Colloque 2005

Résumés des communications

 I.  Cle A309

 9h00  Rachel Warrington (Victoria) :  « Une double altérité : « Bisclavret » et  « Le Frêne » dans les Lais de Marie de France  » 

 Les Lais de Marie de France sont des courts récits en vers écrits au XIIe siècle.  Les deux lais, « Bisclavret » et « Le Frêne » démontrent une double altérité : le personnage éponyme de chaque lai est d’abord Autre par rapport à sa société, et deuxièmement présente une certaine altérité par rapport à lui-même.   

Bisclavret perd son identité et sa forme humaine pendant trois jours chaque semaine quand il devient loup-garou. Ce chevalier devient Autre par rapport à la société, car il ne peut pas se montrer parmi les hommes dans son état sauvage.  Il est également Autre par rapport à lui-même car il porte en lui deux côtés tout à fait distincts l’un de l’autre.   

 Frêne est une jumelle qui a dû être abandonnée.  Elle est Autre par rapport à sa sœur jumelle, ensuite elle est Autre dans la société de l’abbaye o ù elle est élevée et également dans la maisonnée de son maître.  Les deux sœurs sont les deux côtés d’un seul personnage, o ù la sœur jumelle de Frêne représente le côté accepté par la société. 

9h30  Rachel Dekker (Victoria) :  « La Reine Sybille comme figure de l’autre dans Le paradis de la Reine Sibylle d’Antoine de la Sale » 

 Dans le livre Le paradis de la Reine Sibylle, écrit par Antoine de la Sale vers la fin du Moyen Age, l’image traditionnelle de la sibylle s’est evoluée vers celle d’une belle jeune femme intélligente. Néanmoins, la sibylle vit encore à l’écart de la société humaine dans une grotte, son royaume fantastique dans laquelle elle attire les hommes qui risquent d’y être enfermés pour toujours. Dans cette communication, je me propose de faire une analyse textuelle de la reine Sibylle comme « l’autre ».

10h00  Alison Lam (Dalhousie) :   « La Courtisane comme l’Autre : une lecture ricoeurienne de Maupassant » 

 Dans Boule de suif, son histoire inspirée par le naturalisme zolien, Guy de Maupassant met en scène une situation où la noblesse est juxtaposée à l’argent, la vertu au vice.  Dix personnages voyagent ensemble, dix personnages qui représentent les types bien connus dans la littérature : les bourgeois, le comte et la comtesse, les religieuses.  Pourtant, malgré les différences énormes qui existent parmi les riches et les pauvres, les pieux et les lubriques, c’est le personnage titulaire, une courtisane, qui se trouve, dès le début, dans le rôle du paria.  Quoiqu’elle voyage avec des personnages nobles mais vulgaires, religieux mais hypocrites, c’est elle qui est à l’extérieur, elle qui est l’Autre; elle n’est qu’un objet de consommation.

La définition ricoeurienne de l’identité pose des questions intéressantes dans une telle histoire.  Qu’est-ce qui se passe dans une situation où le personnage est déjà réduit à un objet?  Quand elle n’est qu’un outil dans les yeux des autres, qu’est-ce qu’elle a comme identité? 

10h30  Stéphanie Bellemare-Page  (Laval) : « La médiation entre soi et l'Autre: étude de figures transfrontalières dans trois romans d'Andreï Makine » 

Notre époque témoigne d'une remise en question des balises à partir desquelles nous avions jusqu'à maintenant défini la notion d'identité.  Dans ce contexte, le concept d'altérité doit aussi être repensé: le rapport à autrui ne se définit plus qu'en termes d'opposition, mais aussi en termes d'ambiguïté, le sujet étant au coeur d'un jeu constant 

 entre l'identité et la différence, entre ce qui le distingue de l'Autre et ce qui l'en rapproche (Laronde, 1993). Cette problématique est très bien illustrée dans les romans d'Andreï Makine: la récurrence de personnages immigrés confrontés à une quête insatiable des origines mêlée à un désir de s'approprier les référents culturels du pays d'accueil constitue un exemple signifiant de cette médiation essentielle entre soi et l'Autre. Nous analyserons sous cet angle les figures de l'exilé, du double et du voleur d'identité dans trois romans de cet auteur, soit Le testament françaisRequiem pour l'Est  et La musique d'une vie.

II.  Cle A311

 9h00  Mylène Tremblay (Laval) :  « La figure du Sauvage dans les relations de voyage franciscaines de la fin du XVII e siècle en Nouvelle-France :  kaléidoscope des projections imaginaires » 

 En porte-à-faux avec ce qu’on appelle la réalité, les missionnaires et les explorateurs ont forgé, dans leurs écrits, une représentation kaléidoscopique de l’autre amérindien : le regard posé sur l’altérité (skopein), puisant notamment son origine dans des préoccupations esthétiques (kalos), a donné lieu à une multiplication des formes (eîdos) et des angles. Le savant jeu de miroirs et de couleurs rappelle la complexité du rapport entre le soi et l’autre. À partir de trois textes de missionnaires récollets, Nouvelle Relation de la Gaspésie de Chrétien Leclercq (1691), Premier établissement de la foi(1691) et Nouveau Voyage (1698) de Louis Hennepin, nous verrons trois types de projections imaginaires : le premier, tributaire de la culture européenne, prend appui sur les préjugés politiques, sociaux et culturels ; le second, plus corporatif, varie en fonction d’intérêts ponctuels ; enfin, le troisième, ancré dans l’intime, repose davantage sur des fantasmes personnels, convoqués par un réflexe de survivance.

9h30  Jacqueline Barral (Manitoba) :  « Rapport à l’Autre, rapport à l’écriture dans la littérature franco-manitobaine » 

 L’écrivain d’aujourd’hui en situation minoritaire est non seulement l`héritier de toute une littérature, confronté aux problèmes de la création et de l’écriture, mais aussi l’Autre face à la majorité dominante, confronté aux limites et aux stéréotypes qu’elle lui impose. L’écriture identitaire passe par une mise à distance de cet habitus, exprimée chez les écrivains franco-manitobains par un espace à baliser qui mène à la rencontre d’un Autre ou d’Autres dans la quête d’un Soi à découvrir et à affirmer. Dans le jeu des relations croisées de personnages, de narrateurs, d’auteurs, cet espace physique entre Soi et l’Autre est instrumentalisé, métaphorisé, devient espace d’écriture, jeu scriptural, auto-fiction, auto-réflexivité, quête d’autonomie. En ce sens Chaput (Le Coulonneux), Dubé (La Grotte), Léveillé (Plage) ou Nayet (Voyages en papier) sont des exemples de l’émergence d’un champ littéraire nouveau où chaque écrivain forge sa propre voix.

 10h00  Allan Curnew (Western Ontario) :  « Engager l’Autre :  l’échange de dons chez Gabrielle Roy » 

 Jacques Derrida nous affirme qu'il n'existe pas de vrai don à cause de la dette imaginée qui s'impose sur le donataire. Néanmoins, les êtres humains s'endettent et s'engagent continuellement les uns les autres en échangeant des objets et des services, car le système d'échange-don reste au c¦ur de la société humaine : c'est en offrant et en acceptant des dons que nous établissons et maintenons nos relations sociales. Dans cette communication, je mets en évidence à quel point les relations sociales et interpersonnelles de l'univers fictif de Gabrielle Roy sont médiatisées et régies par les mécanismes d'échange et par la circulation des dons, ce qui me permet de formuler une typologie et une poétique du don dans l'¦uvre royenne.

 

I.  Cle A309

 11h30  Maria Fernanda Arentsen (Ottawa) :  « Sergio Kokis ou la blessure de l’impossible retour » 

 Le déplacement est un des composants qui caractérise la vie et les relations de notre monde globalisé. De ce fait, les pratiques culturelles ouvrent vers ce que l’on appelle la Tierce Culture, une culture nomade. La problématique du déplacement, liée à celle du chez-soi (foyer), ne peut pas être pensée sans aborder la question de la frontière. Or, un de nos défis, dans notre monde postmoderne et postcolonial, est d'apprivoiser la réalité du déplacement. La traversée de la frontière, en effet, laisse des blessures, des traces. De quelle manière les discours des romanciers représentent-ils ces blessures/cicatrices? Nous analysons dans ce travail comment le discours de Sergio Kokis met en scène un des défis de notre culture : l’impossibilité du retour au point de départ.

12h00  Corrie Level (Ottawa) :  « La transmasculinité dans Le Pavillon des miroirs de Sergio Kokis » 

 Cette communication portera sur la (dé)construction identitaire masculine qui est fictionalisée dans Le Pavillon des miroirs de Sergio Kokis.  J’adopte une approche féministe, qui permet d’aborder la notion du genre sexuel, mais j’examine aussi la relation entre les théories féministes et les diverses réalités masculines.  Ce roman me semble pertinent grâce à sa mise en fiction d’un narrateur masculin qui se cherche et se questionne, se reconnaissant dans plusieurs cultures.  Derrière la façade du privilège masculin se trouve, j’en soulève l’hypothèse, des ambiguïtés profondes qui indiqueraient probablement, non seulement un discours défensif et anti-féministe, mais aussi une envie authentique de contestation.  La lectrice féministe se doit de reconnaître l’anxiété et l’angoisse qui se trouve à la base du patriarcat et au centre de la voix narrative de Kokis. 

12h30  Lauren Butters (UBC) :  « L’altérité, l’exil et l’écriture dans la trilogie de Louis Gauthier ( Voyage en Irlande avec un parapluie, Le pont de Londres et Voyage au Portugal avec un Allemand ) » 

 Malgré son apparence d’abord simpliste, le récit de voyage fournit un contexte idéal pour le développement d’une quête identitaire qui se reflète dans les parcours du récit. Dans le contexte de la littérature postmoderne, le récit de voyage est le plus souvent une quête intérieure par laquelle le narrateur considère une altérité forcée par le déplacement physique. En analysant la problématique de l’altérité (et celle, sous-jacente, de l’exil) à l’intérieur des récits de la trilogie de Louis Gauthier, on tâchera d’examiner le récit de voyage dans sa relation implicite au postmodernisme littéraire en tant que cadre théorique pour le décodage textuel.    

 

II.  Cle A311

11h30  Michelle Couture (Victoria) :  « La négation de soi dans L’enfant de sable  » 

 Dans L’enfant de sable (1985) de Tahar Ben Jalloun, l’identité fille/femme d’Ahmed-Zahra est niée d’abord par les forces extérieures de l’individu (pressions sociales, intervention familiale), puis ensuite par l’individu lui-même qui, forcé, dans un premier temps, d’assumer une altérité par la création d’un univers tout à fait artificiel, décide, dans un deuxième temps, de vivre une identité autre.

À partir d’une identification des différentes forces sociales et familiales présentées dans le roman, tout en me tenant compte de la problématique posée par une narration multiple, je me propose de faire une synthèse des techniques textuelles exploitées dans le but de dévoiler les manifestations de la négation identitaire du personnage susmentionné.   

12h00  Aurore Chaillou (Texas Tech U.) :  « Stratégies identitaires dans Georgette! De Farida Belghoul » 

 Georgette! de Farida Belghoul illustre le déchirement identitaire caractéristique des «beurs », ou Magrébins de la seconde génération. Pour échapper à tout marquage identitaire et à toute aliénation, la narratrice refuse de trancher en faveur de la culture française ou de la culture algérienne. L’auteure cultive l’ambiguïté dès le titre :  le prénom français « Georgette » n’est pas celui de la narratrice, ni celui d’aucun des personnages. Afin de ne pas nommer son identité, et dès lors, la limiter, la narratrice change constamment de masque, et pour échapper définitivement à l’identité close et empreinte de préjudices que son entourage tente de lui imposer, elle crée, par le biais de l’écriture un « tiers espace » identitaire, monde neutre et fantastique qui lui offre des possibilités identitaires infimes. 

12h30  Susie Hunter (Victoria) :  « Le paradoxe Francis Sancher dans Traversée de la Mangrove de Maryse Condé » 

 Dans le roman Traversée de la mangrove, le personnage énigmatique de Francis Sancher choisit de vivre en marge de la société et pourtant il influence profondément de nombreuses personnes dans la communauté de Rivière au Sel.

Cet homme sans famille, sans religion, même sans race évidente, permet à des individus marginalisés de se libérer des contraintes qui les stigmatisent en tant qu’ « autres ».  Grâce à lui, ces hommes et femmes, marginalisés à cause de leur sexe, de leur race ou de leur statut social, redécouvrent la totalité de leur humanité. 

 Paradoxalement, bien que Francis Sancher contribue à l’affranchissement de ces habitants du village, il n’arrive pas à se libérer lui-même.  Je discuterai alors ce paradoxe apparent : l’émancipation de l’autre par un libérateur qui reste lui-même prisonnier de ses hantises.   

I.  Cle A309

14h00  Marie Martin-Hubbard (Ottawa) :  «  L'Autre, dans l'entre-deux-guerres au Canada français : du côté de chez François Hertel » 

 L'Autre, pour plusieurs intellectuels canadiens-français de l'entre-deux-guerres, c'est l'Anglais, à certains égards l'ennemi : l'Anglais est protestant, il est vainqueur des Plaines d'Abraham, il est capable d'anéantir la nation canadienne-française. Trois essais de François Hertel, un jésuite notoire à l'époque, le démontrent. Leur inquiétudePour un ordre personnaliste et Nous ferons l'avenir, auxquels s'ajoute naturellement le roman Le beau risque, font entrevoir l'ombre menaçante de l'Autre, l'Anglais, dès que courent un péril deux composantes essentielles de l'identité canadienne-française, la religion et la langue.

Dans son premier essai, Hertel lie le déclin de la foi chez ses compatriotes au protestantisme, qui aurait introduit en terre catholique, à la Conquête, l'individualisme et le libéralisme. En 1945, l'écrivain n'évoque plus les protestants; mais la domination économique humiliante que subissent les Canadiens français et l'anglicisation de Montréal entretiennent un ressentiment latent envers l'Autre. 

 14h30  Michel Nareau (UQAM) :  «  Représentations et usages du baseball :  Transferts culturels dans Trente arpents et Les Plouffe  » 

 Plutôt qu’à une analyse de la présence états-unienne dans les romans Trente arpents de Ringuet (1938) et Les Plouffe de Roger Lemelin (1948), j’aimerais m’attarder aux processus de transferts culturels par le baseball à l’œuvre dans ces romans afin de mettre à jour les procédés d’acquisitions d’éléments culturels hétérogènes et leur insertion dans des récits identitaires. Dans un premier temps, j’aimerais mettre en évidence les procédés narratifs qui permettent d’inscrire le baseball à la fois comme un fait culturel étranger, puis comme un trait intégré à un parcours collectif vu comme singulier. Ensuite, j’aimerais comparer le traitement réservé à cet emprunt dans les deux romans étudiés, écrits à dix ans d’intervalle alors qu’émergeait un réalisme urbain dans la représentation littéraire québécoise. De cette façon, il sera possible d’y confronter la représentation du baseball comme révélateur de l’identité collective, et ce, à deux moments distincts dans la construction de la modernité littéraire québécoise.

II.  Cle A311

14h00  Cyprien Bodo (Limoges) :  « Le picaresque, une poétique transculturelle :  le cas d’ Une vie de boy de Ferdinand Oyono »

14h30  Sanou Noël (Laval) :  « Figures de la féminité dans les sorties de masques en pays bobo (Afrique de l’ouest) » 

 Une des avenues thématiques de l’ethno-anthropologie depuis Masques Dogons de Marcel Griaule est celle du rapport du masque au genre. Sous cet angle, il est devenu un lieu commun de dire que « le masque est une affaire d’hommes initiés». Cette conclusion s’imposera tant que l’activité masquaire sera loin d’être perçue comme un  construit sémio-linguistique dont l’énonciation mobilise le corps social sous le double registre du symbolisme et de la prétérition : en tant qu’expression artistique et démarche rituelle ne dit-elle pas toujours sans avoir l’air ? C’est dans ce contexte de déploiement de langages, chaque acteur dessinant à travers la figure de l’Autre sa propre figure, que les regards se croisent dans une interrogation mutuelle des genres. La question fondamentale pour nous, est de poser comment dans l’espace du sacré se construit la figuration littéraire de la question et la place de la femme.


Remerciements

Nous remercions Aaron Devor, Doyen de la Faculté des études graduées; Claire Carlin, Vice-Doyenne de la Faculté des sciences humaines; et l’Association des étudiant-e-s de cycles supérieurs (Graduate Student Society), pour leur soutien fiancier.  

Le comité organisateur

  • Karen Aldrich 
  • Michelle Couture 
  • Rafael Romero 
  • Rachel Warrington 
  • Yvonne Hsieh 
  • Sada Niang